les vilains petits canards BORIS CYRULNIK

Publié le par laetitia gonzalez

 
BIOGRAPHIE :

Howard S. Becker est né en 1928. Il étudie la sociologie à l’Université de Chicago et débute sa carrière de sociologue par son étude sur les musiciens de jazz. Très jeune, il avait joué comme pianiste dans des orchestres de Chicago. Il transforme ce loisir et gagne-pain en sujet d’étude afin de contourner les entretiens qu’il devait recueillir auprès des personnes âgées à la demande de son professeur E. Burgess. Howard Becker propose en effet d’étudier à la place le comportement des musiciens de jazz.
E. Hugues, spécialiste de sociologie du travail de l’Université de Chicago, prend alors connaissance des notes d’observation de Becker, et, appréciant ses qualités de chercheur de terrain, il l’encourage à prendre pour sujet de maîtrise l’étude des musiciens de jazz.


Lors des deux années suivantes, Becker effectue une étude par entretien sur le travail des institutrices de Chicago dont il va tirer sa thèse de doctorat. Ces premières investigations de Becker coïncident avec le développement des recherches sur le travail menées à l’Université de Chicago autour de E. Hugues, W.F. Whyte et L. Warner. C’est dans cet environnement intellectuel stimulant qu’ont été réalisées, dans une sorte d’entreprise collective, la plupart des études sur lesquelles Becker s’appuie dans Outsiders.
En 1951, Becker est toujours partagé entre le jazz et la sociologie. Il parvient à concilier les deux grâce à C. Shaw, directeur de l’Institute for Juvenile Research, qui finance ses entretiens avec les fumeurs de marijuana(nombreux dans le milieu du jazz. En 1961 est publiée l’autobiographie d’un jeune héroïnomane, recueillie par Becker.
La première version de Outsiders est rédigée en 1954-55 mais le livre ne prend sa version définitive qu’en 1963. Entre temps, de plus en plus de sociologues d’une nouvelle génération s’intéressaient à la déviance car ce phénomène (et en particulier la délinquance juvénile) semblait toucher plus que précédemment les classes moyennes. Une quinzaine de sociologues, indépendamment les uns des autres dans un premier temps, développent donc des recherches sur la déviance avec des méthodes en totale rupture avec celles utilisées par le courant fonctionnaliste. Plusieurs des ouvrages de ces sociologues, qui se verront attribuer le label de « labelling theorists », accèdent rapidement à une notoriété importante dans l’ensemble de la discipline.
Autour des études de Becker et de la revue Social problems dont il devint le rédacteur en chef en 1961, se sont peu à peu rassemblés ces sociologues qui s’opposaient à l’orthodoxie fonctionnaliste : E. Goffman (Asiles, Stigmate), D. Matza (Deliquency and Drift) ou encore A. Cicourel, tenant d’un « interactionnisme symbolique» analysant l’ensemble des relations qu’entretiennent toutes les parties impliquées de près ou de loin dans les faits de déviance (et pas seulement les interactions face à face).

Par la suite, Howard Becker a exploré d’autres terrains que ceux relevant strictement de la sociologie de la déviance. Il a ainsi publié Art Worlds en 1982, synthèse de ses recherches sur les activités susceptibles d’être qualifiées d’artistiques.
Aujourd’hui retraité, Howard Becker est notamment Docteur Honoris Causa des universités Paris-VIII et Pierre-Mendès-France de Grenoble.


LE LIVRE :

  1. Le double sens de « Outsider »

Becker insiste en premier lieu sur le caractère subjectif de la déviance : le déviant n’est pas déviant aux yeux de son groupe déviant car les normes sur la base desquelles il est jugé ne lui paraissent pas légitimes. Ainsi, « le transgresseur peut estimer que ses juges sont étrangers à son univers » et le caractère déviant de l’individu n’est réel que pour ses juges. Ces normes qui sont la base du jugement se décident dans le cadre d’un « conflit politique » et peuvent être arbitraires, ce qui implique qu’elles ne sont, au même titre que le processus de désignation, « pas nécessairement infaillible ». Becker utilise l’analogie médicale pour montrer que la déviance est considérée comme purement pathologique — comme un mal —, ayant sa source à l’intérieur du déviant, ce qui empêche de « voir le jugement lui-même comme une composante décisive du phénomène ». Sont ensuite précisées différentes modalités du processus de désignation ; certaines normes peuvent être appliquées en fonction des conséquences puisque le processus implique la réponse d’individus à des conduites.
Becker évoque également dans le processus de désignation un rapport de dominants à dominés, aux niveaux politiques et économiques. En définitive, le double sens de « Outsider » (étranger du fait de sa désignation comme déviant) tient du fait que le déviant peut considérer ses juges comme eux-mêmes déviants.

  1. Types de déviances, un modèle séquentiel

Becker entame ce chapitre par ce désormais célèbre tableau, qui nous montre la diversité de la déviance, loin d’être uniforme, selon que le déviant est transgresseur ou non et selon qu’il est perçu comme déviant ou non :
- Obéissant à la norme Transgressant la norme
- Perçu comme déviant Accusé à tort Pleinement déviant
- Non perçu comme déviant Conforme Secrètement déviant
Howard Becker se propose ensuite d’étudier chronologiquement la déviance, c’est-à-dire de construire un modèle séquentiel permettant de voir les différentes phases (séquences) par lesquelles passe l’individu pour en arriver à la déviance, pour cela, il étudiera tant ceux qui ont été vers la déviance et s’en sont écartés que ceux qui sont allé, et y sont restés, jusqu’à la délinquance : La déviance est analysée en termes de « carrière ». La première étape est la transgression ; celle -ci peut être non intentionnelle ou intentionnelle. Pour qu’un individu transgresse volontairement une norme, il faut qu’il s’extirpe de l’« engagement » qui le lie aux normes. Pour cela, plusieurs processus sont possibles, l’individu passe généralement pas une neutralisation ou une justification. A la première transgression succède une série d’apprentissages confortant ou non l’individu dans le groupe déviant.
Une autre phase consiste pour l’individu à « être pris et publiquement désigné comme déviant ». La stigmatisation aboutit à un changement de l’image de soi : il y a nouveau statut, nouvelle étiquette (Il peut arriver que l’individu se stigmatise lui-même). Becker reprend ensuite le vocabulaire d’E.Hugues : la déviance d’un individu, qui peut être une « caractéristique accessoire », un « statut subordonné », est perçue comme une « caractéristique principale », un « statut principal », ce qui amène le processus de stigmatisation ( que l’on peut associer au processus de prophétie auto réalisatrice).
Il y a donc une carrière déviante dont les phases sont dues au comportement et à sa perception par la société.

  1. Comment on devient fumeur de marijuana

Les analyses traditionnelles, comme celles des psychiatres ou des représentants de la loi américaine, tendent à montrer que ce sont des caractéristiques individuelles qui prédisposent à fumer de la marijuana. Becker montre au contraire, grâce à une cinquantaine d’entretiens dits "semi directifs" que ce comportement se forme au fil d’une carrière. Tout d’abord, l’individu doit procéder à un « apprentissage de la technique » : s’il ne possède pas cette technique, l’individu aura une mauvaise conception de la marijuana et arrêtera d’en fumer. Ensuite, il doit suivre un « apprentissage de la perception des effets », il doit avoir les symptômes mais surtout la reconnaissance de ces symptômes.
Il doit pour ce faire apprendre des notions qui lui permettront de nommer les effets. Enfin, le fumeur de marijuana doit avoir un « apprentissage du goût pour les effets ». Bien souvent, le débutant ressent des sensations désagréables (vertige etc.) et « le débutant ne peut poursuivre que s’il apprend à redéfinir ces sensations comme agréables ». Les effets sont alors appréciés dans le cadre d’une interaction avec les partenaires (le goût est alors socialement acquis). Cette étape est nécessaire au commencement et à la poursuite de la pratique. Ainsi, il y a élaboration d’une disposition ou d’une motivation à utiliser de la marijuana à travers ces trois apprentissages, ce qui amène l’individu à pouvoir répondre "oui" à la question "Est-ce agréable ?". Le fumeur de marijuana doit ensuite, pour continuer sa pratique, apprendre à répondre "oui" aux questions "Est-ce prudent ?", "Est-ce moral ?".

  1. Utilisation de marijuana et contrôle social

Le contrôle social exercé sur tout individu interdit théoriquement un comportement déviant ; il faut donc une défaillance du contrôle social pour que la déviance puisse arriver. Le contrôle social s’effectue par l’intermédiaire de sanctions ou par des mécanismes plus subtils tels que la socialisation.
Dans le cas de la consommation de marijuana, la difficulté d’approvisionnement, d’usage, l’entourage et la représentation traditionnelle que l’on en a sont autant d’obstacles. En ce qui concerne l’approvisionnement, les lois interdisant la vente de marijuana le rendent difficile de telle sorte qu’il faut être dans un cercle non conformiste, avoir du « contact » pour pouvoir fumer régulièrement : il faut pouvoir oublier le danger que l’approvisionnement représente, il faut être intégré à ce cercle. La gêne qu’entraîne la consommation de marijuana empêche également la régularité de son utilisation : le secret que l’on tient à garder empêche d’avoir une consommation régulière, il faut réviser son idée pour que cette forme de contrôle disparaisse. Enfin, au niveau de la moralité, le stéréotype tend à considérer le drogué comme amoral. Il faut alors avoir un contact avec un groupe émancipé au niveau de la perception morale de la consommation pour qu’ait lieu une rationalisation et une justification.
Pour continuer, le fumeur doit également se convaincre qu’il n’est pas dépendant : il doit opérer une auto-justification. « En résumé, un individu se sent libre de fumer de la marijuana dans la mesure où il parvient à se convaincre que les conceptions conventionnelles de cet usage ne sont que des idées de personnes étrangères et ignorantes ».

  1. La culture d’un groupe déviant : les musiciens de danse

L’activité des musiciens de danse diffère de celle des fumeurs de marijuana en cela qu’elle est légale mais qu’elle va de pair avec un mode de vie marginal ; pour les observer, Becker utilise l’observation participante : il a fait partie de ce groupe. Les musiciens de danse se définissent en opposition avec les « caves », qui sont les non musiciens ; les musiciens ont un don qui les distingue de ces derniers, ils se sentent donc supérieurs, ce qui entraîne un non obligation de conformité. Ils craignent le « cave » qu’ils méprisent mais qui est en position de force puisqu’il est la demande, le client. Les musiciens de danse doivent combiner.
  • leur volonté de s’exprimer librement.
  • Les pressions extérieures pour lesquelles ils peuvent accepter de s’abstenir.
Il résulte de cette combinaison deux comportements : le musicien de jazz et le musicien commercial qui admettent tous deux les deux thèmes mais accordent plus ou moins d’importance à l’un et à l’autre. Cette conception méprisante du reste de la société conduit à renforcer l’isolement, ce qui entraîne un « cycle de déviance croissante », si bien que quand aucune barrière ne sépare le musicien du « cave », il en crée, et que celui-ci tend à reproduire cet isolement dans la vie sociale ordinaire : le rejet des « caves » participe du rejet de la société globale.

  1. Les carrières dans un groupe professionnel déviant : les musiciens de danse

Becker applique ici son concept de carrière au groupe des musiciens de danse. Il reprend tout d’abord ce que Hugues écrivait du concept, « une suite typique de positions, de réalisations, de responsabilités et même d’aventure », ceci à travers différents statuts. La carrière est pour Becker subjective. Chez les musiciens de danse, il existe une hiérarchie des emplois qui forme la qualité d’une « carrière ». Le nombre et la qualité des emplois dépendent du réseau de relations du musicien, de sa position dans le réseau de coteries (une coterie correspond à un groupe). Outre les coteries, la famille détermine également la carrière puisque la vie régulière qu’exige la vie familiale entraîne l’individu à avoir une condition conventionnelle. Chaque étape d’une carrière est une séquence constituée d’un parrainage, d’une prestation réussie nécessaire à la progression et de l’acquisition de nouvelles relations.

  1. L’imposition des normes

L’imposition d’une norme passe par son application, sa publication et est déterminée par l’intérêt qu’on lui porte. Becker distingue plusieurs cas, on peut s’imposer des normes à soi-même ou dans le cadre d’une lutte entre deux parties ou encore dans un système plus complexe de relations ; plus il y a d’individus ou de groupes qui rentrent en jeu, plus l’imposition est complexe. L’imposition d’une norme provient d’une valeur générale, traduite dans une norme spécifique puis concrétisée dans un acte particulier. L’entrepreneur de morale est celui qui veille au déroulement du processus. (cf. chapitre 8) Becker traite ensuite l’exemple de la législation sur la marijuana. Les agents du Bureau of Narcotics sont les entrepreneurs de morale, motivés par leurs convictions, ils engagèrent une campagne dans l’opinion publique via les media, ce qui contribua à la fois à l’acceptation de la norme et à la possibilité de créer une loi, le Marijuana Tax Act. Ces « entrepreneurs » durent ensuite tenir compte des intérêts de certains pour que la nouvelle norme soit enfin adoptée. C’est ainsi qu’à la suite de l’action des entrepreneurs de morale, les fumeurs de marijuana devinrent déviants.


  1. Les entrepreneurs de morale

À l’origine de l’imposition d’une norme, on trouve « ceux qui créent les normes », ceux-ci souhaitent une réforme et croient qu’une mission leur incombe, du fait soit d’un intérêt personnel soit d’une motivation humanitaire. Ces entrepreneurs se désintéressent des moyens et ne voient que les fins, ils font donc appel pour les "moyens" à des spécialistes, des professionnels (comme les psychiatres), ce qui implique des influences imprévues. Quand réussite il y a, l’entrepreneur perd son occupation et cherche à s’occuper si bien qu’il devient un « professionnel de la découverte d’injustices à réparer ». S’il y a échec, il peut se concentrer sur le maintien de ce qui existe ou bien « battre en retraite ». Quant à « ceux qui font appliquer les normes », ils sont l’instrument de l’institutionnalisation de la norme, ils sont une force de police. Ils sont détachés de la norme en cela qu’ils ne voient que son application, elle est leur raison d’être. Ils doivent, dans leur tâche d’application, sélectionner parmi les déviants ceux qu’ils poursuivent et font un arrangement (« fix »), c’est-à-dire qu’ils passent par des intermédiaires (« fixer ») qui les aident à reconnaître tel ou tel individu comme déviant. On voit là des facteurs de déviance externes à l’acte. En définitive, la déviance est le résultat d’initiatives.

  1. Étude de la déviance : problèmes et sympathies

Il y a des difficultés dans l’étude de la déviance et plus particulièrement dans les comportements des deux groupes impliqués : les déviants et les entrepreneurs de morale. Les membres des groupes déviants utilisent des méthodes pour dissimuler ce qu’ils font aux autres, ils exercent leurs activités en dehors des barrières institutionnelles. La nature même de la déviance rend difficile son étude. Il faut par ailleurs, pour bien l’étudier, considérer les comportements déviants non pas comme « quelque chose de particulier, de dépravé » mais « nous devons les considérer simplement comme une forme de comportement que certains désapprouvent et que d’autres apprécient, et étudier les processus selon lesquels ces deux perspectives se constituent et se perpétuent ». Tel est le principal écueil à éviter. Howard Becker conclut en prônant un contact étroit avec les groupes étudiés, et donc l’observation participante.

  1. La théorie de l’étiquetage : une vue rétrospective (1973)

À l’approche naturaliste, Becker dit préférer l’approche des théories interactionnistes de la déviance. C’est pourquoi l’auteur a voulu mettre l’accent sur l’indépendance logique entre les actes et les jugements portés sur ceux-ci. La déviance est en cela une forme d’activité collective qui doit être étudiée sous toutes ses facettes au même titre que n’importe quelle forme d’activité collective. Becker dit de son approche qu’elle entraîne à la fois une clarification et une complication de la conception de la déviance. Il y a complication car le champ d’études est plus vaste puisqu’on y prend en compte tous les acteurs et toutes les circonstances. Becker rappelle également la nécessité d’une étude approfondie des définitions non pas pour leur vérité mais pour leur caractère subjectif révélateur. Enfin, Becker tente de répondre aux attaques qu’on lui fit, il les explique par la gêne qu’entraîne son refus de l’objectivité de la déviance.

CONTEXTE HISTORIQUE :


Les origines s’enracinent dans la sociologie de la ville de Chicago de la première moitié du 20ème siècle, grâce aux travaux d’une mouvance née au sein de l’université de Chicago, dès l’ouverture de cette dernière en 1892, et qui sera connue sous le nom de « l’Ecole de Chicago ».
Ce n’est pas un hasard : La ville de Chicago du début du siècle était confrontée, en effet, à des problèmes explosifs. Problèmes de déracinement culturel et donc d’insertion de la mosaïque d’ethnies qui la constituait pour moitié de sa population en 1900 (importants mouvements d’immigration en provenance d’Irlande, d’Italie, d’Allemagne, de Pologne mais aussi migrations internes des noirs américains venus du sud). A cela s’ajoutent de vastes problèmes de désintégration sociale, avec des phénomènes lourds de délinquance, de gangs, de criminalité. En bref, Chicago faisait face à des problèmes de maîtrise d’une croissance urbaine gigantesque et cependant non contrôlée.
Autant de questions qui relèvent par excellence de l’analyse sociologique, faisant même l’objet d’une demande sociale explicite d’études pour les comprendre et les traiter. Mais la sociologie ainsi sollicitée se devait d’être moins académique et plus pratique, c’est-à-dire capable de traiter les problèmes et, pour ce faire, de pénétrer les lieux où ils se posent et d’en saisir, de l’intérieur, le sens et les enjeux.
C’est précisément cette sociologie empirique que l’école de Chicago va initier et développer jusqu’à l’institutionnaliser. Son histoire s’est faite en deux vagues : Tout d’abord, celle des précurseurs, jusqu’aux années 1920, avec W.I. Thomas, R.E. Park, E.W. Burgess, R.D. Mc Kenzie ; puis celle des fondateurs de l’interactionnisme à proprement parler, avec la première génération, des années 1930-1940 : H.G. Blumer, E.C. Hughes, W.L.Warner, R.Redfield; et une seconde génération, dans les années 1950-1960 avec E. Goffman, H.S. Becker, A. Strauss.
« L’interactionnisme symbolique » désigne généralement l’Ecole de Chicago de la deuxième et troisième génération ( dont Howard S. Becker fait donc partie). Ce n’est qu’en 1937, que l’appellation apparaît sous la plume de H.G. Blumer, qui en explicitera les « trois principes fondamentaux » suivants :
« 1. Les humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens que les choses ont pour eux.
2. Ce sens est dérivé ou provient des interactions de chacun avec autrui.
3. C’est dans un processus d’interprétation mis en œuvre par chacun dans le traitement des objets rencontrés que ce sens est manipulé et modifié. »
L’école de Chicago travaille donc spécifiquement autour de thèmes ayant attrait aux problèmes sociaux touchant les grosses villes et notamment celle de Chicago : les minorités raciales et ethniques (C. Johnson), « l’homme en marge » (correspondant aux migrants de 2° génération), la ville bien sûr (Burger, Mc Kenzie, Park, The City, 1925), le crime et la délinquance (Thrasher, Landesco, Shaw) et enfin la déviance.

Jusqu’au début des années 1960, les études sur la déviance s’attardaient uniquement sur le milieu social du déviant ; ainsi l’approche écologique de l’Ecole de Chicago expliquait la déviance à partir de la désorganisation sociale ; le courant culturaliste, quant à lui, mettait en évidence l’existence de sous-cultures délinquantes ; et enfin, la perspective fonctionnaliste (Merton) utilisait le concept d’anomie pour expliquer le phénomène.
L’interactionnisme symbolique révolutionne alors la conception de la déviance avec les théories dites de « l’étiquetage » dont H. S. Becker, et E. Goffman (Asiles, 1961 ; Stigmates, 1963) sont les initiateurs

NOTIONS ET CONCEPTS :

La déviance avant Becker. La déviance est, avant Becker, traditionnellement définie, notamment dans la sociologie américaine, comme un ensemble de comportements qui transgressent des normes acceptées par tel groupe ou telle institution. Cette définition tend à considérer la déviance comme le seul fait de l’individu déviant, c’est-à-dire qu’elle est focalisée sur le comportement déviant en lui-même. On étudiait alors la déviance à partir de la désorganisation sociale (École de Chicago), ou bien de sous cultures délinquantes (culturalisme), ou encore du concept d’anomie (Merton).
Après Becker, la déviance ou la théorie de l’étiquetage : A partir de recherches sur des pratiques déviantes, délinquantes dans le cas des fumeurs de marijuana, ou simplement marginales chez les musiciens de jazz (dont il faisait partie en qualité de pianiste professionnel), H. Becker soutient que la déviance, en tant que transgression d’une norme sociale, n’est en rien une pathologie attachée en propre à un l’individu « transgresseur ». Ce n’est pas, non plus, le produit d’une déréglementation ou d’un dysfonctionnement du système social. C’est un jugement social, « un label », « une qualification » appliqué au déviant à titre de sanction, au nom de normes produites à l’initiative « d’entrepreneurs de morale » qui en ont le pouvoir dans la société. La déviance est la conséquence de cette application.
Face à la transgression, la société ne reste pas inerte. Elle va stigmatiser le délinquant. Cette stigmatisation consiste à l’étiqueter comme personne malhonnête ou dangereuse mais aussi à l'exclure des liens sociaux à titre réprobateur ou par crainte d’une récidive.
Cet étiquetage contribue à son exclusion effective de la culture dominante, mais aussi à lui faire intérioriser une image négative de lui-même, qui le poussera vers des sous cultures ou contre-cultures délinquantes où son attitude sera valorisée. Ceci aura pour effet de multiplier les risques de récidive, en creusant le fossé qui le sépare de la loi . Ainsi, subtilement, la déviance naît dans l'interaction
Pour cette perspective, c'est donc le contrôle social qui va « créer » la criminalité, via le processus de stigmatisation. Cette thèse d'Howard Becker introduit la thématique de « domination », et met en relief l'idée que chaque individu est un déviant potentiel (il suffit qu'un attribut physique, social…soit désigné comme non conforme, pour le devenir effectivement). La criminalité est donc une construction sociale.

Objectif et problématique. L’objectif de Becker, dans cette analyse de la déviance, est d’étudier l’ensemble des relations qu’entretiennent toutes les parties impliquées dans le processus qu’est la déviance, se plaçant ainsi dans la perspective interactionniste. Howard Becker en vient donc à se demander comment et qui crée la déviance. Ce qui fait le déviant n’est plus uniquement son comportement proprement dit mais le fait que la société le qualifie comme tel, ce qui amène Becker à écrire : « Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès ». Les phases de la constitution de la déviance et les acteurs de cette constitution seront donc étudiées dans Outsiders.L’objectif de Becker, dans cette analyse de la déviance, est d’étudier l’ensemble des relations qu’entretiennent toutes les parties impliquées dans le processus qu’est la déviance, se plaçant ainsi dans la perspective interactionniste. Howard Becker en vient donc à se demander comment et qui crée la déviance. Ce qui fait le déviant n’est plus uniquement son comportement proprement dit mais le fait que la société le qualifie comme tel, ce qui amène Becker à écrire : « Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès ». Les phases de la constitution de la déviance et les acteurs de cette constitution seront donc étudiées dans s.
La norme : D’après le dictionnaire critique d’action sociale, la norme signifie « ce qui paraît convenable dans une société ou dans un groupe et dont la non observance entraîne une sanction ou une désapprobation. » Dans la mesure où les normes constituent le cadre de référence d’une société, celles-ci se trouvent associées aux valeurs développées par cette dernière.
La sociologie considère la norme comme un ensemble de régularités et de régularisations sociales, constituant une forme de contrôle social. L’anthropologie insiste davantage sur le caractère relatif des normes selon les cultures et les groupes sociaux même si certains fondements semblent universels (notamment en terme d’interdits, tabou de l’inceste par exemple).
Les normes jouent donc un rôle fédérateur dans la vie sociale. Tout groupe en formation passe par une phase au cours de laquelle les normes se mettent progressivement en place, et constituent ensuite les modèles auxquels les nouveaux arrivants devront se conformer.

COMMENTAIRE PERSONNEL :

Becker a montré tout au long de son étude que la déviance est toujours le fait de réactions et d’initiatives d’autrui. C’est donc la société qui crée la déviance en réagissant aux transgressions et également en instituant de nouvelles normes qui créent de nouveaux déviants. Chaque groupe qui se constitue crée, et, maintient ses propres normes. Elles sont différentes pour chacun d’entre eux. La mise au point de ces normes est implicites et de plus en plus complexe lorsque le groupe s’agrandit. Le respect de ces normes dans le temps les institutionnalisent et les rendent « actives ». Plus leurs nombres grandissent, plus les déviances s’observent.
L’observation participante est facilitée par le fait que la participation de Becker à la sous culture des musiciens de danse soit préalable à son étude sur la déviance. La grande difficulté de l’observation participante qui est de s’intégrer au groupe à un degré assez important pour que l’observateur soit accepté et oublié, est donc tout à fait contournée : Ce n’est pas pour les besoins de son étude que l’auteur s’est intégré au milieu du jazz. Sa position paraît donc tout à fait idéale pour tenter de comprendre la déviance du point de vue du déviant, ce qui est le principe de sa démarche.
Néanmoins ce degré de participation peut poser quand même d’importantes difficultés : une trop forte identification au milieu étudié peut amener le chercheur à prendre parti, à se convaincre plus ou moins inconsciemment du bien fondée du regard des populations étudiées.
Les entretiens, étant semi directifs, ils laissent la place à l’information imprévue et influence moins l’enquêté par la nature et le nombre des questions posées. Ils permettent de corriger les effets pervers de l’enquête de terrain tels que l’extrapolation trop rapide à partir du vécu des acteurs. Ils laissent à l’acteur le temps de s’exprimer, d’expliquer de son point de vue la nature du phénomène auquel il appartient, et cela est toujours intéressant.

A mon sens, la déviance, se révèle comme une marginalisation de l’individu face au non respect de certaine norme.
Les individus ont tendance à juger leur paire par rapport à celle-ci créant ainsi un dysfonctionnement dans l’approche communicative.
Ce livre m’a fait réfléchir sur le regard que peut porter un travailleur social sur un usager.
Je me demande à quel point il est possible de mettre de coté ces propres normes afin de pratiquer une analyse objective d’une situation .D’un certain point de vue ces personnes sont or des normes que constituent la société actuelle pourtant à travers les dispositifs misent en place, elle travaille à les maintenir dans le « système ».
Je pense que pour effectuer une réelle écoute auprès de la personne, il faut savoir écarter ce jugement « normatif » afin de mieux comprendre les raisons d’actions, d’être de l’usager. Il faut s’adapter, le temps de l’entretient afin de cerner dans quelles normes, règles elle évolue.

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